Ségur 2 : qui a droit à cette revalorisation salariale dans le secteur de la santé ?

Le bulletin de paie ne ment pas : certains salariés du secteur privé non lucratif ont vu leur rémunération grimper dès septembre 2022, tandis que d’autres, parfois dans la même structure, attendent encore une clarification. Ce patchwork d’augmentations révèle les lignes de faille du dispositif « Ségur 2 ». Ici, la convention collective pèse lourd, là, c’est la date d’embauche ou la fonction qui fait varier la donne. Résultat, les écarts se creusent : CCN 51 et CCN 66, Mutualité… chaque convention imprime sa marque, et les promesses de compensation laissent planer des zones d’ombre dans bien des établissements.

Ce que change le Ségur 2 pour les professionnels du secteur privé

Le Ségur de la Santé a rebattu les cartes du secteur, promettant une transformation profonde dès l’été 2020. Si la première vague a vite concerné les hôpitaux publics et les EHPAD, le Ségur 2 a ouvert la brèche pour le secteur privé, mais l’application sur le terrain s’est révélée bien plus sinueuse qu’annoncé.

Sur la table : un investissement massif de 19 milliards d’euros, dont 8,2 milliards par an dévolus à la revalorisation des métiers dans les établissements et EHPAD. Le public a bénéficié d’une mise en œuvre rapide, tandis que le privé a dû patienter, multipliant les négociations. Les avancées ont été fixées par accords de branche, négociés avec les partenaires sociaux puis validés par le ministère. Ces tractations ont été cruciales pour le secteur privé non lucratif, piloté notamment par la FEHAP : accords en main, les établissements peuvent appliquer la hausse salariale, modulée selon le poste et l’ancienneté, pour renforcer l’attractivité des métiers paramédicaux.

La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), elle, a haussé le ton, réclamant une égalité de traitement avec le public. Elle a reconnu le passage du Ségur 1, mais insiste sur la poursuite de l’effort avec le Ségur 2, sans relâche. Les négociations ont parfois viré à l’affrontement : plusieurs fédérations syndicales ont dénoncé des modalités d’application jugées injustes ou incomplètes selon la convention collective. Malgré ces remous, le Ségur 2 marque une avancée de taille pour les salariés du privé, longtemps à la traîne sur le plan de la reconnaissance salariale.

Qui bénéficie concrètement de la revalorisation salariale ?

Le Ségur 2 cible avant tout les personnels non médicaux soignants des établissements de santé, des EHPAD et du secteur médico-social. Le décret, fruit de longues discussions avec les partenaires sociaux, élargit la portée de la mesure à une diversité de métiers.

Voici une liste des professionnels explicitement concernés par la revalorisation :

  • Infirmiers
  • Aides-soignants
  • Auxiliaires de puériculture
  • Aides médico-psychologiques (AMP)
  • Accompagnants éducatifs et sociaux (AES)
  • Masseurs-kinésithérapeutes
  • Ergothérapeutes
  • Manipulateurs d’électroradiologie médicale
  • Préparateurs en pharmacie
  • Diététiciens
  • Techniciens supérieurs en prothésie-orthésie
  • Dosimétristes

La liste ne s’arrête pas là : directeurs des soins et fonctions support directement engagées auprès des patients sont aussi concernés. Les bénéficiaires exercent aussi bien à l’hôpital qu’en structures médico-sociales : maisons d’accueil spécialisées, foyers d’accueil médicalisé, établissements pour personnes en situation de handicap, etc.

La revalorisation prend la forme d’une indemnité forfaitaire, sur le modèle des 238 euros bruts mensuels attribués lors du Ségur 1 dans les EHPAD et hôpitaux. Désormais, le Ségur 2 étend cet acquis, avec une attention portée à l’équité entre agents du public et salariés du privé ou du non lucratif. Cette mesure vise avant tout à fidéliser des profils très recherchés et à limiter la pénurie dans le médico-social, où la tension sur les recrutements reste vive.

Zoom sur la CCN de la mutualité : impacts et nouveautés

La CCN de la mutualité (IDCC 2128) s’est retrouvée au cœur de la transposition des mesures du Ségur 2 grâce à des avenants négociés à l’automne dernier. Cette extension au secteur mutualiste n’a pas fait l’unanimité : la CFDT, l’UNSA et la CFE-CGC ont signé, tandis que FO et l’UNSSP FO ont refusé, dénonçant des conditions trop restrictives imposées par la FEHAP.

La hausse salariale se traduit concrètement par une indemnité, calquée sur les montants du public. Pour les personnels non médicaux sous convention mutualité, le gain brut mensuel rejoint celui du secteur hospitalier, avec effet rétroactif au 1er octobre 2021. Cette harmonisation vise à combler l’écart entre salariés du public et du privé, tout en soutenant l’attractivité des établissements mutualistes.

Le périmètre s’avère large : toutes les personnes employées dans les structures relevant de la convention collective accèdent à la mesure, sauf les cadres dirigeants et certaines catégories techniques. L’adhésion majoritaire des syndicats a favorisé une mise en place rapide, mais la fronde de FO et UNSSP FO rappelle que les tensions sur la reconnaissance des métiers et la gestion des budgets ne sont pas réglées.

L’ANEM, organisation patronale de la branche, a salué cette avancée collective, parlant d’un « signal fort » pour tous les professionnels de la mutualité. Cependant, des questions demeurent sur la stabilité des financements à long terme et l’alignement des grilles de rémunération avec la fonction publique, notamment pour les établissements liés à d’autres conventions comme la CCN 51.

Infirmier en blouse bleue utilisant une tablette à l

Comprendre la compensation financière et trouver les bonnes ressources

Le Ségur 2 a impulsé une dynamique attendue sur la compensation financière dans le secteur médico-social. Mais sur le terrain, la répartition de ces enveloppes soulève de véritables débats. Si les établissements sanitaires profitent d’une revalorisation alignée sur celle du public, les structures en lien avec le secteur du handicap et certains services sociaux restent à la traîne, cristallisant un profond sentiment d’injustice chez les équipes.

La réalité, c’est que la pénurie de professionnels diplômés reste aiguë dans les MAS, FAM et CAMSP. Ces établissements, qui accueillent enfants et adultes en situation de handicap, voient s’accumuler les difficultés faute de moyens suffisants. La CNSA et les conseils départementaux, qui pilotent le financement, peinent à garantir un traitement homogène. Selon le territoire ou la taille de la structure, des professionnels peuvent passer à côté de la revalorisation, surtout dans les associations de moindre envergure.

Pour s’orienter dans ce maquis, plusieurs fédérations diffusent des ressources utiles. Par exemple, la FEHAP et la FHP publient régulièrement des notes explicatives, facilitant la compréhension des nouvelles règles. Les salariés disposent aussi de simulateurs pour estimer le montant de leur revalorisation, en fonction de leur statut et de leur convention collective. Ces outils sont accessibles sur les sites institutionnels ou via les représentants syndicaux : un passage obligé pour saisir les évolutions qui s’appliquent à chaque situation.

Le Ségur 2, malgré ses aspérités et ses ratés, a rebattu les cartes pour des milliers de professionnels de la santé et du médico-social. Reste à voir si l’élan donné tiendra dans la durée, ou si de nouvelles lignes de fracture viendront, demain, remettre en cause ce fragile équilibre.